|
Capitaine
Messages:
Invité
|
|
|
|
|
« le: 16 Décembre 2007 à 01:03:16 » |
|
Dans un sursaut imperceptible qui lui fit relever la tête, le vieillard aux yeux bandés se réveilla d'un long sommeil. Il avait l'impression d'être rester vivant alors que son âme avait déserté son corps. Mais la voil� qui revenait subitement. Il huma l'air salé comme un nouveau-né découvre l'empreinte maritime. Il se passa la langue sur les lèvres, les mains sur son visage ridé et couturé. Il s'immobilisa au contact du tissu recouvrant ses yeux. Il l'ota délicatement, une intense clareté l'obligea alors � entrouvrir ses paupières. "Ho merde!" pensa-t'il. Son oeil gauche ne voyait plus, celui de droite affichait une image floue, desesperément floue, comme lors d'une gueule de bois matinale. Il interpréta sa localisation comme une plage, avec devant lui un amas de couleurs sombres, presques noires, sans doute une forêt. Il était assis sur du plat, comme une planche, enveloppé dans une espèce de long drap. Il entendait distinctement le doux fracas de l'écume sur le rivage. Et un bruit de botte piétinant le sable ponctué par un halétement de taureau. Il se tourna vers la gauche et distingua une immense silhouette se raprochant. Au fur et � mesure que la silhouette avancait le vieux vit ses contours se préciser. Il s'agissait d'un homme d'assez grande taille, portant un long manteau et coiffé d'un tricorne noir. Quand l'homme fut en face de lui il s'accroupit en soufflant bruyamment et entre deux toux lacha: -Amédé, tu m'entends ? Le choc que lui fit cette voix empécha le vieillard de répondre. Il ne savait même pas si il avait encore l'usage de ses cordes vocales. -Répond bordel ! grogna le géant en empognant ses épaules et en le secouant. Mais répond-moi! Est-ce que tu m'entends ? Est-ce que tu me vois ?! Il ouvrit la bouche et articula clairement, d'une voix rocailleuse et grave: -Qui j'entend ? L'homme ne répondit pas, il soupira de soulagement. Se laissant envahir par un sentiment de panique, le vieux débris demanda d'une voix presque apeurée: -Où je suis ?Qu'est'c'qui m'est arrivé, bon Dieu ? -Calme-toi, calme toi! fis précipitement l'autre. C'est normal que tu réagisse comme ca, c'est le choc qui est trop fort. -Qui vous êtes? geignit le vieillard. -Calme toi mon vieux, panique pas, tout va te revenir. T'as recu un sale coup sur le crâne, mais tu vas t'en remettre. L'aveugle avanca les mains tremblantes devant son visage. -T'as rien � craindre Amédé! Je suis un ami. Détend-toi, t'as aucune raison d'avoir peur. -Amédé ? L'aveugle saisit un bout du manteau de son interlocuteur et essaya de le rapprocher, ses maigres forces suffisant � peine � le maintenir dans la position assise. -Oui, Amédé, c'est ton nom, répondit l'homme. En tout cas c'est comme ca qu'on m'a dit que tu t'appellais. -Hein ? Qui vous a dit ca ? interrogea le vieillard inquiet. -Une dame brune, accompagné d'un grand type habillé comme un lord, tout en rouge et noir, avec un chapeau � la con piqué de plumes blanches. Une sale gueule, le visage maigre, des longs cheveux noirs... -Barracuda, murmura l'aveugle. -Pardon ? La description que cet homme lui avait faite le ramena très loin en arrière. Il était assit � une table, une unique bougie l'éclairant lui et le barracuda en face de lui, un sourire mauvais aux lèvres, pret � ordonner � ses hommes d'étriper le français et son compagnon Rackman. Une partie de carte où l'enjeu était leur survie. Une partie où il avait gagné sans tricher pour une fois. Rackman. Qu'était-il devenu ? -Y avait pas un vieux marin dégarni avec eux ? Habillé comme un officier de la marine anglaise ? -Non, dit l'autre. Il s'écarta du vieux et alla chercher quelque chose derrière lui, tout en racontant: -J'étais dans cette taverne miteuse � Basse-Terre, "A la Veuve Joyeuse" je crois qu'elle s'appellait. Avec mes hommes on fêtait la victoire de l'armada britannique sur ces corsaires français, pis y a une bande de créoles qui débarquent, avec une malle et toi supporté par deux gars, la tête ensanglantée, toute ballafrée, l'air sonné. Cette nana m'a dit "Prenez soin de mon père, il a recu un grand choc émotionnel. Il devrait reprendre ses esprits avec l'air du large.". Elle nous a offert une assez grosse somme d'argent pour qu'on t'embarque sans poser de question, et a ajouté en nous montrant le coffre " Enterrez-ca aussi, n'essayez pas de l'ouvrir, il ne contient aucun objet de valeur, seulement ses effets.". Sur le coup j'ai pensé qu'elle voulait qu'on te noie pour faire disparaitre toute trace de ton existance, mais elle nous a bien répeter de prendre soin de toi jusqu'� ce que tu recouvre la raison et la vue. -Jai l'impression d'avoir dormi une étenité, fit le vieillard. -Ca fait deux mois que je te trimballe, l'informa le marin. Deux mois pendant lesquels t'as pas dit un mot. L'aveugle eu soudainement le vertige. Peu � peu sa vue s'éclaircissait. Son interlcuteur avait une épaisse moustache poivre et sel, une maigre barbe recouvrant ses joues et son menton. La peau de son visage était rouge, tanée par le vent, ses yeux était de la couleur d'un nuage de tempête. Une queue de cheval pendait dans son dos, enrubanée de tissu goudronné. Il ressemblait � un ours, mais n'était pas menacant pour autant. -Ca va mieux? lui demanda t-il en revenant � l'embarcadère où était assit le vieillard. -Oui, répondit celui-ci. Je vois plus nettement. Cette femme ne vous a rien dit d'autre ? -Non. Amédé resta silencieux et fouilla dans sa mémoire. Il tenta de retrouver sa dernière vision, la dernière que son cerveau avait enregistrée. Ca lui revenait maintenant. Un homme aux allures de chien, moustaches et favoris, armés de deux pistolets, tirant � travers une fenêtre, et un autre aux cheveux noirs courts, un bandeau sur l'oeil, mal rasé, au sourire édenté, qui pointait un pistolet vers un baril de poudre. Il se souvenait de s'être élancé pour l'arrêter, mais l'explosion l'avait ensuite aveuglé et projeté contre un mur. Après il était tombé dans un état comateux dont il s'était réveillé il y a 5 minutes. Cayenne et Trinita étaient mort. Sa fille accompagné de Barracuda l'avait confié � des inconnus, � demi-mort. Et il ne se souvenait pas de quand il avait Rackman pour la dernière fois. -Nous sommes seuls ?dit-Amédé � haute voix. -Oui, fit l'autre en rangeant une pelle et une corde dans l'mebarcadère. Les autres sont partis, ou morts. Tués. -Tués ?! -Oui. On peut quitter cet ilôt maintenant. Le marin se mit � pousser le baleinier jusqu'� ce qu'il soit emporté apr el courant, et sauta � bord avec élegance. Pendant qu'il amenait la voile, Amédé lui demanda: -Où m'emmenez-vous ? -Rejoindre la civilisation. On accostera au port le plus proche, et après on verra. Il s'installa au gourvernail et manoeuvra tranquillement, observant l'horizon. Amédé voyait l'ile s'éloigner lentement. Il se sentait flotter, comme si il rêvait. Après un court silence il lacha: -C'est quoi votre nom ? -Belford. Et tu peux me tutoyer.
|