Et moi qui n'avait dans mes rêves que le désir de m'emparer d'une frégate corvette, ou de type course, pour pouvoir fondre sur mes proies avec le vent dans mes voiles, avec l'océan � mes côtés, et la fortune au-dessus de ma tête. Le destin en a décidé autrement, par une chaude nuit de juin.
Après un long voyage jusqu'aux côtes d'Haïti, mon équipage et moi avons enfin trouvé une proie intéressante, une proie digne de notre valeur. C'est � la faveur d'une nuit sans nuage, avec les étoiles et la lune pour témoins, que nous avons mené la charge. Jusqu'� l'aurore, la bête, sauvage, noyait l'horizon sous un déluge de feu, tant, qu'on aurait cru que le diable lui-même avait ouvert la porte des enfers pour nous dévorer. Tant, même, que la fumée de ses canons le masquait sous une véritable chape de brume. Nous avons tenu, malgré tout. Saisissant chaque opportunité, pour le frapper, encore et encore, nous dansions sous ses tirs, manœuvrant habillement, évitant ses bordées, tout en le transperçant, du beaupré au gaillard d'arrière, si souvent, même, que longtemps après la bataille, nos oreilles n'entendent encore que le ronflement de nos canons, qui martèlent toujours notre esprit.
C'est � l'aurore que la bête a mit genoux � terre. Immobilisée, mais toujours prête � mordre, c'était le moment que nous attendions, car, après tant d'effort, le laisser couler l� , sans butin, aurait été un véritable affront. Nous avons déployé les voiles, tant que le gréement en a gémit de terreur sous notre audace, lorsque leurs canons, d'abord silencieux, se sont ensuite remit � tirer, déchirant l'air autour de nous. C'est bord � bord, finalement, que nous nous sommes rués sur son pont, bien décidé � achever la créature, au corps � corps, sabre au clair, pistolet au poing, sous les tirs des mousquets des Espagnols, qui n'avaient plus rien � perdre...
A bord de notre flûte de guerre, 12 canons, 12 couleuvrines, mes 136 hommes et moi pillons un galion armé pour la guerre Espagnol de 383 hommes, 37 canons, 7 couleuvrines.
Le butin, désormais, est dans notre cale. Trop endommagé pour repartir avec, ce qui n'a de toute façon jamais été dans nos projets, nous avons laissé le galion � la dérive, emportant avec nous tout ce que nous pouvions utiliser. Quand nous avons franchi l'horizon, j'ai jeté un dernier regard, par ma longue-vue, dans sa direction. L'océan m'en soit témoin, je n'avais pas bu la moindre goûte de rhum malgré tant d'émotion, et, pourtant, les flancs en morceau, la mâture arrachée, et le pont couvert de sang et de cadavres, je jurerais avoir vu ses lambeaux de voiles se gonfler, et avancer contre le vent, vers le large!
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