- Non, tout va très bien, renchérit Thisbé d'un ton sec. Seulement... si l'on parvenait �  supprimer le général. Et ce... en toute discrétion ?

Elle faisait les cent pas maintenant, et sa voix, en même temps que sa couleur de peau palissait de plus en plus. Pirate elle l'avait été, esclave, voleuse, fuyarde mais criminelle au sens même du terme: jamais. Et cette perspective aussi excitante qu'effrayante semblait la plonger dans un état second.

- Si, comme vous l'avez si bien dit, poursuivit-elle, nous faisions pression sur le général... Et, lorsque vous aurez acquérit la lettre de marque qui vous fera corsaire... si �  ce moment l�  : on le supprimait ?
Il ne risquerait pas de nous dénoncer, et le gouverneur croirait �  un accident... Un vulgaire accident ou un assassinat fait par quelques badauds avec qui il aurait auparavant eut quelques mauvaises affaires ! La rousse marqua une courte pause.
Oui mais dans ces cas l�  il faudrait ne pas quémander les pièces d'or... ça deviendrait trop louche... non. Non. Seule la lettre de marque suffira.

L'expérience était risquée, trop peut-être pour deux corsaires déj�  menacés par la corde ... Tenteraient-ils ? Thisbé essayait déj�  de tout mettre en place... mais Jack la suivrait-elle dans sa folie ?!  

- Vous ne voulez pas remettre les documents volés par votre frère ? Mais savez-vious au moins de quoi il s'agit ? Il ne devait que mouiller la poudre.

Thisbé se retourna, sonda Jack du regard et reprit :

- Autrement dit, soit on se pli �  la volonté du gouverneur soit on fait pression sur le général, ceci dit, je ne pense pas que j'accepterai volontier la seconde solution. On pourrait rendre les documents volés par Totus sans faire d'histoire ? Pourquoi ne pas le faire? Le voleur se serait enfui... nous n'aurions pas réussi �  le rattraper... et...

Elle le savait, son raisonnement se colorait d'absurdité : pourquoi un malfrat aurait-il laissé de pareils documents après avoir pris tant de risque pour les dérober ?

- Mais si l'on optait pour votre solution alors le général, une fois que nous ferons voiles, dévoilera au gouverneur notre machination et s'en sera finit de...

Thisbé s'arrêta. Une lueur effroyable enflamma sa pupille. Et si le général n'était plus de ce monde une fois leur vaisseau partit ?


Mélissande partit d'un rire franc. Il était claire, cristallin semblable aux eaux d'une source vive. Au moment même Trompe-la-mort entra. Devant l'air désemparée de la jeune blessée, il expliqua comment et pourquoi Thisbé l'avait acceuillit �  son bord et tourna les talons : sa patiente était éveillée c'était la seule chose qui lui importait. Une fois que le chirurgien eut disparut, la seconde s'assit, et tourna son regard saphir vers la tribade.

   

- Vous voulez devenir un corsaire français ou emmerdez cette nation jusqu'�  ce qu'il ne vous condamne �  la potence !

Thisbé commencait à perdre son calme, comme à l'accoutumée.

- Alors ! Je ne me répètrais pas ?!

Thisbé était roide, ses pupilles tremblaient. Elle se tourna contre le mur, y appuya sa tête et attendit que Jack ne riposte.  

Thisbé se mordilla une ultime fois la lèvre inférieure. Elle passa son doigt sur sa joue et demanda au gouverneur :

- Est-ce le voleur ou les documents qui vous tient le plus à coeur ?
- Pourquoi cette question malhabile très chère ? Ce maraud serait-il un de vos hommes ?!
- Je ne dis pas cela, les femmes qui sont sous mes ordres m'obéissent en tout point et sont, elles aussi, toutes dévouées �  la grandeur de votre patrie. Seulement, si nous retrouvrions les documents sans le voleur, notre contrat sera-t-il considérer comme conclut ?


Le gouverneur haussa un sourcil, balaya les documents qui gisaient sur son bureau du regard avant de faire un signe de la main :

- Nous verrons.

L'homme inscrivit alors sur un bout de papier deux trois mots. Son écriture inintelligible se voulait élégante, les caractères inclinés s'enchainèrent et il tendit �  la capitaine du "Sillage", l'écrit.

- Présentez cela aux soldats qui s'opposeront à votre passage.

Thisbé s'empara du message et fila, suivie de Jack. Une fois arrivée au détour d'une ruelle déserte, elle s'arrêta, le fixa longuement avant de lui demander :

- La fuite ? La trahison ou la ruse ?

Bien entendu, Thisbé n'attendait aucune réponse, elle savait déj�  pour laquelle de ces trois solutions ils opteraient.


A bord du "Sillage de l'Ange Noir", la blessée, éveillée depuis peu, se plaisait �  faire un remue ménage de tout les diables, ce qui amusait beaucoup Mélissande. La seconde, restée �  l'écart des matelotes, avait assistée au réveil de l'inconnue et était l'une des premières que celle-ci avait interpellée. Elle se dirigea donc �  pas lent vers la femme aux boucles d'argent :

- Vous êtes ici �  bord du "Sillage de l'Ange Noir", vaisseau du capitaine Thisbé dont je suis la seconde ... Mélissande avait prononcé ces mots avec un sérieux qui la déconcertait elle-même.  

Thisbé s'assit elle aussi, mais son geste était ralenti. Son regard allait tout �  Jack, enfoncé dans une profonde rêverie dont elle émergea bientôt. Oui, comprit-elle ! Oui ! Jack ne pouvait songer qu'�  cela... Mais tout de même, Jack pouvait-il aller aussi loin dans ses affirmations ? Il était possible que Totus soit le voleur, mais on ne pouvait en être sur... Et si Jack s'était trompé ? Mieux valait-il ne pas y songer pensa la jeune rousse. Elle fixa alors le visage du gouverneur, illuminé maintenant par un sourire de jubilation intérieure, et prit la parole :

- On vous ramène le voleur et on conclut notre marché ? Est-ce entendu ?
- Parfait, mais ces documents...
- Oui ?
- Je vous interdit fermement de les lire : un cachet de cire les scellent : s'il venait �  être endommagé de quelques manières non seulement notre contrat est annulé mais votre sort �  tous deux serait mis en danger et la couronne Française n'aurait de cesse de vous pourchasser �  travers les océans. Me suis-je bien fait comprendre ?

Thisbé hésita, elle jetta un coup d'oeil à Jack...  

Thisbé et Jack avait pris connaissance du message de Totus mais celui-ci ne parvint pas �  freiner la capitaine.

-Tant pis, déclara-t-elle. Avec un peu de chance le gouverneur nous donnera un pass ? plaisanta-t-elle.

Une nouvelle fois, elle avait pris sur elle toutes les armes de Jack. Ils ne craignaient rien, du moins al capitaine en étati-elle persuadée. Elle s'élança alors vers le palais du gouverneur �  l'intérieur duquel l'on s'agitait beaucoup. e désordre était si grand que les deuxpirates ne se firent même pas remarquer et n'eurent besoin de personne pour entrer dans le bureau du gouverneur. Celui-ci, blême, était assis derrière son bureau. Il fut surpris de les voir arriver, mauvais signe, songea Thisbé. Elle fit une moue déprécitaive avant de prendre la parole :
- Rebonjour, votre honneur, déclara Thisbé
- Que justifie votre présence, ici ?
- Voyons, reprit-elle, vous n'aurez pas oublier notre entente ?- Quelle entente ?

La capitaine faillit perdre son calme :

- LA lettre... ? Un dévoué serviteur ? Pret �  tout pour servir la France ? Ne vous souvenez-vous dont pas !
- Ah...

L'homme passa une main molle sur son front et soupira :

- Si, oui, si je me souviens maintenant, reprit-il.J'y ai mûrement réfléchi... Seulement je demande juste un changement �  notre accord et votre ami deviendra corsaire.
- Dites toujours murmura Thisbé qui commençait juste à se détendre.
- Vous retrouver le maraud qui a volé... il hésita à poursuivre...

Dévoilerait-il les choses qu'on lui avait dérobées à une corsaire ?  

Thisbé rendit son salut �  Jack quand la cloche du port sonna. On donnait l'alerte et le pas des soldats ne tarderai pas �  marteler les pavés du port. La capitaine jetta un regard vif �  son acolyte qui le lui rendit.
La capitaine du "Sillage" se précipita sur le pont. Toutes les femmes, l'oeil aux aguets se tenaient prêts du bastinguage, avides de savoir ce qu'il se tramait en ville, l'une d'entre elle questionna Thisbé qui ne lui répondit pas, feignant même de ne pas l'avoir entendue. Elle aussi scrutait la ville, elle attendit longtemps, puis, voyant que d'ici elle ne retirerait aucune information, elle se tourna vers Jack. Mélissande se tenait derrière lui, envieuse de déchiffrer l'expression de sa captaine.

- Qui ? Murmura Thisbé à Jack, si bas que la seconde  n'entendit rien.  

- Quelqu'un en effet, déclara Thisbé.

Sa voix était haute, intelligible et pourtant parée d'un sombre accent. Elle s'assit néanmoins au chevet de l'inconnue. Aisni postée, elle pouvait l'examiner mais aucun souvenir ne lui revint : ce n'était surement qu'une femme croisée dans quelques tavernes, pensait-elle �  juste titre. Une question persistait néanmoins :
Serait-ce une pirate ? Dans ce cas, Thisbé avait bien fait de la rtenir �  l'écart du gouverneur... Mais dans le cas échéant, la capitaine regretterait surement son geste...

- Comment vous sentez-vous ? dit-elle en se versant une coupe de rhum.

La capitaine du "Sillage de l'Ange Noir" avait choisit d'opter pour la diplomatie.
Le grognement de la blessée fut assez expressif pour que Thisbé n'interprète la réponse. Le silence plana un instant avant que la rousse ne reprenne :

- Serait-ce trop indiscret de demander qui j'ai hégergé et soigné ? questionna-t-elle avec intérêt.  

Après leur entretient, les deux pirates étaient entrés avec empressement �  bord du "Sillage de l'Ange Noir", portant sur leurs épaule l'inconnue blessée. Une fois arrivés sur le pont, Thisbé s'était empressée d'appeller Trompe-la-mort alors obligé d'abandonner Silk pour prodiguer �  la jjeune femme des soins rapides. Quand celle-ci fut allongée et soignée, Thisbé se dirigea vers Trompe-la-mort :

- Alors ?

- Rien de grave... Mais, une question me taraude cap'taine ?

La capitaine sourit : elle savait déj�  laquelle aussi entreprit-elle de remonter sur le pont et, alors qu'elle marchait, Trompe-la-mort la rejoint et lui demanda :

- Depuis quand sauvez-vous des inconnus ? A quoi vous jouez ! Aux anges gardien.

- Elle allait faire foirer l'entretient pauvre bougre... Et puis je suis parfois solidaire l'ami. Et ce, depuis le jour où; alors que j'étais prêt de mourrir, l'on m'a tendu la main.

Ces arguments suffirent au chirurgien qui remonta rapidement sur le pont. La capitaine, elle tourna les talons et se dirigea vers la blessée. Elle était certaine de l'avoir déj�  vue... Mais où ?  

Thisbé avait regardé la femme aux cheveux d'argent, éberluée. Son apparition avait été si rapide que la capitaine du "Sillage" n'eut pas le temps de reconnaitre la "tribade"...
Elle fixa le gouverneur, droit dans les yeux, comme pour lui signifier que seule sa décision lui importait, et que les évènements alentour ne l'atteignait pas. L'homme de pouvoir sourit de ravissement. Il ordonna �  l'un des gardes qui veillaient l'entrée de son bureau d'aller s'encquérir de l'état de la maraude qui avait perturbé leur entretient, puis, il observa Jack...

- C'est donc un esclave que vous voulez mettre sous mes ordres ?

Thisbé eut un rire acide.

- Mais regardez-le ! Un esclave lui ?

Elle s'arrêta, et un orage traversa ses larges yeux noirs.

- Et puis, engager des esclaves ne vous a jamais dérangé �  se que je sache. L'une d'entre elle vous a bien servie et vous sert encore ! N'est-ce pas. Elle est l� , sous vos yeux ! Eviter avec moi de mépriser ceux que de piètres textes traitent d'Hommes inférieurs...

Le gouverneur faillit se lever, mais il ne releva pas l'affront de la capitaine.

- Vous jouez à un jeu dangereux demoiselle.
- Et c'est pour ça que vous avez profité de mes services. Parce-que justement : le danger ne m'effraie pas.
- Seuls certains dangers...

Thisbé baissa la tête. L'homme avait raison.
A ce moment, un garde entra. Son visage était boursouflé, marbré de plaques rougeâtre et de sa bouche haletante s'échappait une haleine tiède.

- La fille est au plus mal.

Le gouverneur balaya l'information d'un geste de la main, mais Thisbé se raidit. Encore une malheureuse qu'on jetterait �  la fosse sans scrupule... Elle se mordit la lèvre, et déclara :

- Je m'occuperait d'elle.
- Une parente ?

Thisbé fusilla des yeux le gouverneur :

- Qui sait ? répondit-elle

La capitaine tourna les talons.

- Pour votre ami, fit le gouverneur en désignant Jack du menton, j'y réfléchirais. Vous aurez, demain �  cinq heures ma réponse. Tachez de ne pas etre en retard.  

En guise de réponse �  Shinley : Non, c'est pas "entièrement" chanté mais ca l'est en majorité. Au début il est un peu dur de s'y habituer mais personnellement, je suis quand même parvenue �  "rentrer" dans le film.
Ceci dit, certaines chansons peuvent parfois paraitre longues...

voil�    

La rouquine était maintenant �  bord du navire qu'elle avait tant admirer quelques heures plus tôt. Un vent chargé d'humidité glacée pénétrait sa chair où se dessinait des frissons de froid et de peur. Elle était encadrée par les deux gredins qui l'avaient trouvés... Ceux-ci, sourire aux lèvres la regardait avec un air de fierté. Elle était leur "prise".

Dans le port, les batisses se tachaient de sang tandis que des cris d'allégresse germaient �  leurs fenêtres. On courait sur les pavés, et la débâcle avait emporté toute humanité : des enfants, orphelins sans le savoir, se faisaient piétinés. L'un d'entre eux gisaient déj� , un mince filet de sang roulant sur son menton. En traversant la ville, Thisbé avait cru pénétrer en Enfer. Partout, on massacrait, hurlait, pleurait, implorait... Les sabres tintaient et diffusaient dans la nuit des éclairs blancs.

A bord, les pirates s'éxécutaient avec ardeur. Les cannoniers s'activaient plus encore que les autres, chargeant sans cesse les canons, ne trouvant jamais assez de poudre pour assouvir leur soif de massacre.

La jeune fille qui restait roide au milieu de la boucherie, comme figée de stupeur, n'avait pas encore vu le capitaine. Il était probablement l� , caché par la masse grouillante que formait son équipage ou par l'insupportable crachin qui battait inlassablement le pont du navire.

Bientôt pourtant, un visage difforme surgit.  Il était silloné de cicatrices, routes sinueuses traçée sur une peau ridée, vieillit. Entre ses joues boursouflées, une bouche d'une extrème finesse se dessinait. Quand la rousse le vit apparaître, elle ne put s'empêcher de faire un pas en arrière...  

Je fais revivre ce fil (Oui, je sais c'est peut-être pas très raisonnable... :) pour évoquer une toute dernière sortie de Tim Burton  (réalisateur dont je suis plus que fan ! : et Depp avec ça  :) : Sweeney Todd !

Perso, j'ai adoré. On retrouve tout l'univers de Burton, il y a même des tas de clins d'oeils �  ses anciennes créations... Bref le film est formidable !!! Que dire d'autre puisque le pouvoir des mots est outrepassé par celui du génie Burtonien ^^.

Je vous le conseille �  tous et toutes !  

L'homme portait une de ces perruques blanchâtres que Thisbé éxécrait et avaient aux lèvres un sourire satisfait. De ses yeux porcins et ridicules il observa les visiteurs, puis, ayant reconnue la capitaine du "Sillage", l'invita �  s'asseoir.

- Vous revenez sur nos côtes très chère.

Pareille considération pour une femme de son espèce était bien rare : les gouverneurs mérpisaient leurs corsaires encore plus si c'étaient des femmes. Certain même ne s'affectaient pas de voir l'un de leur serviteurs marins pendre au bout d'une corde. Le "très chère", que le gouverneur venait de prononcer paraissait annoncer une fin heureuse �  l'entreprise des deux pirates. L'homme en perruque continua :

- Vous tomber �  merveille j'ai une mission de la plus haute importance �  vosu confier.

Thisbé hésita �  l'interrompre mais privilégiant la flatterie et la soumission afin de mieux arriver �  ses fins. Elle attendit alors qu'il lui explique en détails l'opération qu'elle devait mener �  bien. Quand il eut finit de lui exposer tout cela s'agitant perpétuellement, dépensant son énergie en milles geste frénétiques, il se rassit et elle déclara alors :

- Que retirais-je de cette opération ? Et quelle part des biens dois-je vous fournir ?

-Comme d'habitude...

La capitaine hésita une nouvelle fois.

- Voil�  un marché. A travers mes longues épopées en mer durant lesquelles jamais  je ne trahis ni la couronne ni le vénéré roi de France, de nombreuses rencontres s'exposèrent �  moi.

- Finissez ! Le gouverneur éxpédia d'un geste vif les dernières paroles de Thisbé. Allons-donc, très chère, exposée moi tout de suite votre requête ! je ne saurais souffrir des récits atroces que vous contez, vous, gens de la mer.

- Cette requête est simple, j'accomplis la mission que vous m'avez confier en retour de quoi vous offrez �  un homme, sous ma protection et mon commandement, une lettre de marque française. Il sera devenu alors un fervent serviteur de votre couronne. Qu'en dites-vous ?

Le gouverneur se leva :

- Mais j'ignore jusqu'au nom de cet individu ! La drole demande que vous me faites l�  ! Qu'est-ce qui peut me garantir qu'il ne trahira pas ma nation !

- Moi : je vous l'ai dit !

Le gouverneur essuya d'un mùouchoir de soie son front suant et se rassit �  nouveau...



   

Partie I

           


              Les embruns de l'océan agressaient maintenant son visage, lui dérobant le peu d'air qu'elle aspirait. Ses jambes blêmes ne la portaient plus et menacaient �  tous moments de s'effondrer, entrainant avec elles tout son corps épuisé. De sa gorge suintait un peu sang : gout désagréable, sous-jacent, qui annoncait sa chute future. Tout en continuant éperdument de fuir, la jeune fille jettait derrière elle des regards furtifs, aveuglés par la peur de succomber �  l'effort.
Elle entendait encore, noyée dans la brume, la cloche du port qui s'emballait  et rythmait ses pas. Et, alors qu'il lui semblait fournir d'ultimes efforts, ses pieds se dérobèrent sous elle qui s'affala de tout son long sur l'herbe du plateau. Elle resta l�  longtemps, chassant vigoureusement le mal qui étreignait sa poitrine, la souffrance qui la forçait �  tenir ses yeux fermés pour mieux supporter l'infernale douleur. La malheureuse émit une longue plainte, mélange savant de rage et d'effroi.
Quand derrière elle des pas se firent entendre, elle se tut et, les yeux grands ouverts, sa main droite collée �  son épaule ensanglantée, observa la nature glacée sous la nuit sans étoile.

Des voix d'hommes se firent entendre. Elles étaient rauques, brutales, usées avec acharnement par la mer et ses folles bourrasques. Leurs tonailtées impressiona la jeune fille qui se tapie un peu plus dans l'ombre, faisant bientôt corps avec la terre.
Des bribes de conversations lui parvinrent alors : c'étaient deux hommes qui parlaient une langue inconnue �  la jeune fille. De l'espagnol peut-être ?

- *Quelqu'un est partit par l�  !*
- *Un bienchanceux...* grogna l'autre.

Le glissement d'une lame contre un fourreau se fit entendre. Il fit frémir la rouquine, qui émit un gémissement.

- *Il ne peut être loin. Je l'aurai ce fuyard !*
- *Alexandro, laissons ce gueux avec sa chance. La frousse qu'on a du lui flanquer le punira bien assez ...*
- Pas de survivant ! Le capitaine �  insister : pas de survivant ! Jamais de survivant !* déclama le meneur, féroce.

Le souffle froid de la jeune fille se fit plus saccadé. Elle était prise par un hoquet de terreur qui avertit les deux pirates de sa présence. Le plus trapu tendit l'oreille.

- *Par là !* 
 

Ils avancèrent alors dans l'impénétrable obscurité nocturne. Et trouvèrent, �  tâtons, le corps presque inerte de la jeune femme.

- *Le vla ! Le vla !*
- *LA vla, idiot !*

Les deux marauds, forts de leur découverte, émirent un grognement de satisfaction. Ils échangèrent un regard et l'épée fendit l'air. Alors que l'arme s'apprêtait �  s'abattre sur le cou tremblant, une lumière semblant sortie tout droit de l'enfer illumina le ciel : le port s'enflammait, répandant alentour les flamboyants rayons de son agonie. La figure apparut instentanément aux yeux des pirates. Médusés, ils s'approchèrent de ces joues si joliment dessinées, de cette bouche pulpeuse et raffinée si accessible �  leurs lèvres trop rugueuses...