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Auteur Fil de discussion: Rendez-vous au large de Tortuga  (Lu 2207 fois)
Bernick
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« le: 07 Décembre 2008 à 19:19:13 »

// Suite des Geôles à Antigua //

Réfléchir, Leeroy en eut tout le temps en effet. A bord du Rude Boat VII la discipline était parodiquement militaire. Dans la réalité, les quarts étaient très aléatoires, les hommes monnayaient leur tour contre du rhum ou autres, mais le capitaine n'en n'avait cure. Il était craint plus que respecté et personne n'osait élever le voix en sa présence. Il passait la majeure partie de son temps sur la dunette arrière �  observer avec ses manières dérangeantes de gorgones prête �  pétrifier n'importe qui. Peu lui importait vraiment se savoir ce qui se passait �  bord du moment que le navire avançait selon ses seuls ordres et avec la plus grande célérité.
Quant �  Leeroy, il était logé parmi les "gradés", qui ne l'étaient véritablement que dans l'esprit de l'équipage. Lorsqu'il eut prit sa décision, le jeune homme passa donc la majeure partie de son temps �  observer les ballets dans les vergues, les transactions dans l'entrepont et les luttes de pouvoir entre les gradés.

Poussé par des vents propices le navire pirate arriva au rendez-vous sans grande difficulté. D'après les informations qu'il avait glané, le capitaine avec lequel il allait embarquer était un "fiéfé chien de l'enfer", "un pirate �  vous envoyer droit dans la gueule du diable pour lui voler ses dents en or". Il était très dubitatif quant �  ses bavardages étant donné que leur propre capitaine devait déj�  être l'une des pires teignes de tous les Caraïbes.

On sonna bientôt le branle-bas de combat lorsqu'une voile fut en vue par hanche tribord. Croyant �  une attaque Leeroy vérifia le pistolet qu'il avait récupéré dans le coffre de feu son frère. Il y avait d'ailleurs trouvé beaucoup d'autres trésors. Une belle somme de doublons �  son grand étonnement mais aussi des cartes, deux très beaux sabres et une foule d'objet sans doute sentimentaux. Leeroy était décidé �  récupérer ce qui lui serait utile et �  enterrer le reste l�  où personne �  part lui le trouverait.
Une présence derrière lui le sortit de se rêverie, c'était le Capitaine Gabriel Pacôme, arborant son plus beau sourire carnassier.
"- Tu as raison de vérifier tes armes mon gars, sur ce bateau tu ne devras jamais fermer un oeil.
- C'est donc �  bord de celui-l�  que j'embarque ?
- C'est ça ou je t'abandonne �  Tortuga, tu choisis !"

Le jeune homme regarda plus attentivement le navire qui fonçait droit sur eux. C'était un bien étrange sloop. Il avait les rondeur d'un galion et pourtant était grée comme un sloop, avec deux des plus gros génois qu'il ait jamais vu. Il remontait quasiment �  contre avec une aisance déconcertante. Le Rude Boat VII tira deux coups sous le vent et fut bientôt répondu par deux coups venant du sloop.
Poursuivant sa course, il coupa la route du trois-ponts, se stoppa face au vent et laissa l'inertie le porter bord �  bord. C'était au moins un très bon marin.
On assura les deux vaisseaux bien que le pont du sloop se trouva �  plusieurs pieds en contrebas. Les pirates échangèrent quelques amabilités plus ou moins caustiques et bien vite commencèrent �  bavarder et �  commercer par les sabords.

Un seul homme monta par l'échelle de corde, lorsqu'il se hissa �  bord, Leeroy put étudier le personnage. C'était un métis, un peu court mais battit comme un bucheron, il portait une courte veste en cuir noir qui peinait �  contenir sa musculature, un pantalon de fusilier bariolé et de vieilles bottes blanchies par le sel et le sable. Ses yeux, étrangement clairs, s'allumèrent en voyant arriver le Capitaine Pacôme et un sourire un partie doré illumina son visage. Les deux hommes s'étreignirent vigoureusement, ce qui surpris le jeune homme puis le plus âgé des deux pris l'autre par l'épaule et l'emmena face �  Leeroy.
" - Mr. Johnson, je vous présente le Capitaine Icare de la Maria Bonita.
Ce dernier lui tendit une paluche d'ogre qu'il serra avec un reste de crainte. Puis il dit :
- Capitaine Icare, c'est étrange comme nom.
- On raconte que ma folie m'a amené trop prêt du soleil ce qui explique la couleur.
Ils rirent de bon coeur pour dissiper toute gêne.
- En tout cas on m'a dit que vous, Mr. Johnson, vous étiez un tireur d'exception et c'est justement ce dont j'ai besoin en ce moment. Voulez-vous, vous joindre �  mon équipage sur-le-champ ?"

Le sur-le-champ était un peu précipité mais le jeune homme accepta en l'enjoignant de laisser tomber le Mr. Johnson pour simplement Leeroy. Il se resserrèrent la main et ordonna dans une étrange langue �  tout l'équipage de se tenir prêt et de transférer le coffre du maître canonnier Leeroy �  bord.

A peine eut-il embarqué que les deux navires s'éloignèrent et Icare convoqua certains hommes sur la plage arrière. Il passa la main dans sa tignasse coiffée au couteau, caressa ses anneaux dorés aux oreilles et leur parla avec une pointe d'accent créole.
"- Messieurs, je vous présente Leeroy, notre canonnier.
Hochements de têtes
Leeroy voici mon bras-droit Suleïman. Un grand arabe au trait inexpressif le salua gravement. Mon bosco et maître d'équipage Mr. Tiddy. Un vieil homme �  la mâchoire cassé lui serra la main. Et voici enfin Carlos, pilote en second. Le dernier accueil fut plus chaleureux et la jeune homme, �  peine plus vieux que lui lui adressa un chaleureux "heureux".
Maintenant que les présentations sont faites passons aux choses sérieuses. Leeroy sentit le silence se faire derrière eux, sur le pont et sur tout le navire, il apprendrait bien vite que le capitaine ne cachait pa grand chose �  ses hommes.
Si nous sommes ici c'est pour deux missions, la première s'est déroulé sans encombres car nous avons un nouveau canonnier. Le seconde, en revanche risque d'être plus dure. Le galion que nous poursuivons, la Belle Poule, n'est-ce pas Suleïman ?
- Oui capitaine.
- Bien, elle va croiser notre route normalement prêt de Goave aux Pains, derrière les bancs de sable, c'est l�  que nous l'attendrons en espérant que la marée sera avec nous. Maintenez l'équipage sur le qui vive jusque l�  et d'ici trois ou quatre nous devrions être sur elle. Disposez !
Leeroy, aller inspecter les pièces et vous familiariser avec les servants ce ne sont pas des feignasses pour sûr.
- Combien y a-t-il de pièces �  bord, capitaine ?
- Dix pièces de douze et les grosses caronades de trente-deux que tu vois �  la proue.

A dire vrai les connaissances de canonniers de Leeroy était assez faibles, mais il compensa par son instinct et appliqua une discipline stricte. Il fit préparer la poudre et les amorces, ce qui était la moindre des chose puis fit faire des test �  vide. Les hommes étaient assez rapide mais �  en juger par l'état de la poudre de certain canon, ils n'avaient pas tirer depuis longtemps. On lui appris alors qu'il s'était emparé de ce vaisseau il y a seulement deux mois et qu'auparavant il chassait sur une petite goélette très peu armée. Ils étaient en fait tous de bons combattants mais de piètres tireurs. Cela expliquait sa présence �  bord.

A midi pile, un cri tomba de la hune et tout l'équipage se précipita �  tribord. C'était elle �  coup sûre et le capitaine, toujours �  la barre, changea immédiatement de cap, apparemment elle était en avance. Leeroy emprunta la lunette de Tiddy. Entre temps il avait appris que ce vieil homme avait eut une vie très occupée entre les bancs de Terre-Neuve, les galères et les prisons.
Le nouveau canonnier de la Maria Bonita[/i y regarda à deux fois, mais sa vision resta la même. La Belle Poule , en plus d'être d'une classe supérieure au sloop était sévèrement armée et l'ai avait déj�  repéré, ces cacatois dehors.
Icare devait certainement être fou.

Ce dernier profita du faible tirant d'eau du sloop pour inverser les rôles et reprendre le vent au galion en jouant entre les bancs de sable dont il connaissait la topographie par coeur. Le navire essuya cependant quelques tirs, l'un d'eux frappant de plein fouet la dunette arrière, manquant de tuer le capitaine. A cette tocade du destin, celui-ci rigola de plus belle, déj�  ses yeux étaient emplis d'une dangereuse lueur que Leeroy apprendrait �  reconnaître.

Ensuite la manœuvre était simple, il fallait s'approcher du galion le plus prêt possible pour faire parler les caronades spécialement volées pour l'occasion. Le surprendre en frappant fort sous sa ligne d'eau et recommencer jusqu'�  ce que la marée les bloque ou que tout le monde meurt.
Le Maria Bonita avançait plus comme un boutre que comme un sloop et �  chaque manoeuvre, l'équipage entier devait suivre le bateau sous peine d'emporter trop d'eau et de sombrer �  la prochaine vague. Une telle réactivité du navire était dangereuse mais avec ses gênois tirant �  tout rompre le sloop pouvait tout se permettre. Et entre les mains d'un capitaine comme Icare cela pouvait tout signifier.
Il manoeuvrait comme jamais le jeune anglais n'avait vu capable de remonter �  contre et face aux vagues forcissantes pour soudain abattre lof pour lof et ne présenter que la proue aux bordées du galion sans affaler une seule fois. A ce rythme les voiles ne tiendraient pas longtemps mais Icare n'en n'avait cure et il s'approcha �  moins de cent yards du galion pendant qu'il rechargeait.

Leeroy aboya "feu" et tira de toute ses forces sur le cordon de la caronade qui bondit furieusement, son bruit de tonnerre couvrant presque tout les autres tirs. malheureusement le sloop l'était pas fait pour se genre d'effort et le grosse pièce était pratiquement sortie de son emplacement manquant d'arracher une partie des membrures. La plupart des tirs ne firent que peu de dommage �  la coque, la pièce de trente-deux fracassant une partie du pont, bien loin des attentes du capitaine.
Déj�  les balles de mousquets fusaient de part et d'autres, Leeroy aperçu alors des uniformes français au milieu des marins et eut un curieux pincement a coeur.
Mais déj�  le navire profita de son erre pour virer tribord amure. La capitaine hurla que tout les hommes passent �  tribords et lui même assurant la barre vint se suspendre au haubans, le corps �  moitié dans le vide et le sourire aux lèvres.
Le navire monta lentement en haut de la vague et soudain une chose incroyable se passa. Poussé complètement par le travers, les génois serrés au maximum et tout l'équipage face au vent, le navire se mit �  surfer littéralement en équilibre sur le haut de la vague.

Le jeune homme était �  moitié paniqué, jamais il n'avait senti un navire filer si vite et de manière si instable. Lorsqu'il entendit tonner la bordée du galion, ce dernier était �  plus de trois cents yards de l�  et la plupart des tirs qui n'étaient soudain plus cadrés déclenchèrent des gerbes d'eau dans le sillage surréel de la Maria Bonité.

Tout retourna �  son poste alors que le capitaine voulait que l'on rétente une dernière fois. L'un des pirates croisa le regard éberlué de Leeroy et lui assura qu'il venait d'assister �  l'un des vols de damné d'Icare.
La seconde approche fut moins spectaculaire car le vent jouait en défaveur des pirates qui devaient impérativement faire feu par tribord. Le navire essuya deux bordées, dont la deuxième arracha une partie du grand mât et fit de gros dégâts dans la coque, mais il se trouva �  porter et cette fois-ci Leeroy prouva son talent. La grosse pièce, �  moitié par dessus bord, envoya son énorme boulet fracasser la coque du navire juste au niveau de l'eau emportant une partie de la carène de proue du galion. Colmater cet endroit leur prendrait un temps énorme, temps qu'il fallait mettre �  profit pour réparer le sloop tout en les harcelant.

Deux heures plus tard la mêlée que tous les pirates attendaient avait lieu. A demi échouée la Belle Poule avait été rejointe par une Maria Bonita elle aussi en mauvaise état et bien vite les grappins avaient jaillis au milieu des cris des hommes et des crépitements. Armé de deux pistolets, Leeroy sauta lui aussi �  bord avec les servants prêts �  en découdre. Sa première balle abattit en pleine poitrine un soldat qui le tenait en jout et la seconde traversa la jambe dans marin qui le chargeait, il l'acheva d'un coup de crosse �  la tête. Il rengaina ses armes et en sortit un autre de sa ceinture ainsi que l'un des sabres de son frère.
Les pirates étaient en infériorité numérique mais leur ardeur �  tuer étaient presque animal, ils fonçaient avec délectation dans la mêlée, avide de faire couler le sang. Le Capitaine Icare ne dérogeait pas �  la règle, avec sa machette, sa dague et sa force d'ogre il abattait les hommes �  la pelle. Certains pirates combattaient ainsi depuis des années et ils savaient profiter de la moindre opportunité pour esquiver un coup, se protéger ou encore utiliser la moindre arme �  leur portée quelque soit sa nature.

Leeroy fut rejoint par un Suleïman torse-nu et virtuose de la cimeterre, alors qu'il était en difficulté. Grâce �  l'intervention du bras-droit du capitaine il n'eut qu'�  déplorer une méchante coupure �  la cuisse gauche qui le força �  reculer et se mettre �  couvert. Il eut alors le temps de se rendre compte de la situation.
La moitié si ce n'est plus des français gisaient �  terre, ou bien agonisaient alors que les pirates, habitués aux combats dans les petits espaces s'en sortaient bien mieux. La victoire était proche.

Les prisonniers furent rassemblés sous la garde de Suleïman et Tiddy complètement exténué ainsi que d'un bonne partie de l'équipage. Les autres s'occupèrent d'achever les blessés, de piller les morts et la navire. Leeroy boita jusqu'au capitaine qui ne lui prêta que peu d'attention car fonçant comme un taureau vers la cabine du français. Intrigué le jeune homme le suivit ainsi que quelques autres pirates.
La carrure d'Icare emplissait tout l'espace et lorsqu'il croisa un groupe de trois marins tentant de fuir avec leur coffre, ceux-ci furent littéralement terrifiés par la vision du grand métis couvert de sang et rendirent les armes en indiquant la cabine du capitaine. Elle était en fait minuscule, coupée en deux pour une raison inconnue mais tout près d'un des sabords arrière, le capitaine, un bras en écharpe et les chairs �  vif, tentait de mettre le feu au contenu d'une caissette en argent.
Icare bondit sur lui, lui empoignant l'écharpe comme un noeud coulant et lui parla si bas que lui seul entendit. Les capitaines échangèrent ainsi quelques paroles sur un ton vif et anxieux jusqu'au moment où le pirate l'embrocha littéralement de sa machette. Il se leva jusqu'au petit écritoire de feu le capitaine baignant dans ses tripes, tira le dernier tiroir qui refusa de s'ouvrir. Un coup de machette plus tard, le tiroir fut arraché de son logement et le capitaine en extrayait une petite bourse en velours. Il la palpa regarda  �  l'intérieur et se redressa.

C'était un homme nouveau qui se dressait devant Leeroy, la fureur du combat l'avait quitté remplacé par une froide et inquiétante résolution. "Appareillage au plus tôt" furent ses seuls mots et ils disparut dans sa cabine. La Maria Bonita voguant lourdement vers une crique bien cachée pour réparer alors qu'en toile de fond la Belle Poule s'embrassait de plus belle.  
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