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« Répondre #3 le: 14 Juin 2007 à 23:28:37 » |
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Le capitaine Guyde et la vingtaine d'hommes qui avaient discrètement débarqués avec lui dans une crique d'Hispagniola se faufilaient le plus silencieusement possible � travers les brousailles. Arthur, le boucanier qu'ils avaient engagé pour les guider, leur fit signe de s'arrêter. Les hommes s'acroupirent et attendirent, éssouflés. Puis leur progression repris. Au bout de plusieurs dizaines de minutes ils arrivèrent en surplomb de leur objectif, un riche manoir qu'entourait une plantation de coton et de canne � sucre. La propriété était immense et les annexes moutonnaient � travers les champs, leurs toits de chaume semblant s'embraser sous le soleil couchant. Guyde observa la zone et les allers et venues des gardes. Il faudrait agir rapidement et discrètement, aucune erreur ne devrait être commise. Pendant qu'il laissait son regard dériver vers l'horizon, Guyde revoyait s'éteindre le regard pétillant de malice du gargousier La Renette, un mome de treize ans qui était mort dans ses bras lors des funestes évènements qui l'avaient amené � organiser ce raid.
Il y a plusieurs mois de cela, l'Or Félin, leur puissant Manowar qu'ils avaient modifier pour porter cent canons, filait vers Coro. Le gouverneur de Léogane leur avait promis force récompenses pour mettre � sac ce bouge espagnol et détruire ses batteries. A bord de l'Or Félin la tension était palpable, l'équipage s'était considérablement accru et nombre d'espagnols avaient rejoints les pirates lors de leur halte � Rio De La Hacha. Parmis ces hommes c'était surtout Don Ernesto De Morales qui inquiétait Marcelin le maître d'équipage. Fils dévoyé d'une riche famille possédant une grande hacienda sur Hispagniola, Ernesto avait rallié � lui une grosse dizaine d'espagnols pour commettre divers mauvais coups avant qu'ils ne s'engagent tous sur l'Or Félin. Marcelin avait surpris Ernesto en pleine conversation avec un étrange individu masqué dans une taverne de Puerto Cabello, et depuis ce moment il n'avait cessé de proposer qu'on le débarque. Mais la mission serait difficile et tous les hommes étaient nécessaires...
Guyde revint au présent, le soleil venait de disparaître derrière l'horizon et les hommes s'agitaient, il serait bientôt temps de passer � l'action. Les guetteurs partis en reconnaissance avaient découvert une piste d'animaux qui menait jusqu'aux grilles qui entouraient le manoir. Les pirates attendirent quelques dizaines de minutes et, � la queue leu leu, ils descendirent discrètement vers le manoir. Guyde suivait Arthur, sa démarche chaloupée de félin rappela � Guyde celle de Marcelin, l'ancien braconier de Bretagne, aujourd'hui enterré dans une fosse commune de Coro...
Marcelin, avec l'aide de Sangredios, le quartier maître, avait constitué les équipes pour l'assaut sur Coro. Les hommes défilaient devant la dunette arrière du puissant navire. Aux guetteurs les précis fusils de boucanier, aux groupes de soutient les mousquets moins précis, les groupes d'assaut recevaient sabre et pistolets, tandis que le groupe de grenadiers se couvrit de ces boules d'acier pleines de poudre. L'Or Félin avait mouillé dans une crique � deux jours de marche de Coro, il ne devait les rejoindre que trois jours plus tard dans le port, un équipage en sous-effectif le manoeuvrerait � vitesse réduite. Une fois débarqués les pirates commencèrent leur longue marche. Ernesto et ses hommes feraient parti de la première vague, Marcelin ne voulait pas courir de risque, mais Guyde avait décidé de mener lui-même cette vague, il était hors de question de laisser les hommes prendre seuls tous les risques. Après un long voyage qu'ils effectuèrent principalement de nuit, se reposant le jour, les pirates arrivèrent en vue de Coro et de son fort dont les défenses étaient toutes tournées vers la mer.
Les pirates arrivèrent au pied de la muraille surmontée d'une grille qui entourait le manoir. De l'autre côté, deux patrouilles de deux gardes tournaient autour de la demeure. Une fois la plus proche passée, les pirates approchèrent. Sangredios et deux gabiers, qui avaient survécus au procès et aux geoles, enjambèrent les grilles en se faisant la courte échelle et allèrent s'embusquer dans un recoin sombre pour surprendre la prochaine patrouille. Les autres préparèrent les rares pistolets qu'ils possédaient encore, au cas où les choses tourneraient mal. La patrouille arriva. Sangredios surgissant tel un diable de l'ombre égorgea proprement le premier garde surpris, tandis que le deuxième fut assomé par un coup de gourdin sur la nuque, puis égorgé � son tour. Les pirates ne venaient pas pour plaisanter.
A Coro non plus les pirates ne plaisantaient pas, mais quand ils donnèrent l'assaut au fort espagnol, les soldats les attendaient de pied ferme et des ramparts ce fut une grèle de balles et de mitraille qui acceuillit les pirates. Dès les premières minutes plusieurs dizaines de vaillants marins tombèrent tandis que les perte espagnoles étaient minimes, les moucheurs ne pouvaient être décisifs. Ce furent les grenandiers, chargeant sous la mitraille qui causèrent des dégats importants aux ouvrages défensifs et permirent au pirate de faire sauter la porte et de se ruer � l'intérieur. Les pirates prirent possession de l'entrée du fort et commencèrent � se déployer parmis les casemates du fort, défonsant les portes et massacrant tout être vivant.
La deuxième patrouille allait arriver. Les corps avaient été traînés dans l'ombre et Sangredios et ses hommes s'étaient � nouveau camouflés. Le sort de la deuxième patrouille ne fut pas différent de celui de la première, et bientôt les autres pirates enjambèrent � leur tour la grille. Les forbans se dirigèrent � pas de loup vers les fenêtres et Sangredios commença � trifouiller le mécanisme d'ouverture, passant un fin bout de fer entre les battants. Au bout de peu de temps, les pirates s'engoufrèrent un � un dans le manoir. Guyde connaissait les lieux et guida ses hommes vers le bureau du maître des lieux.
La bataille faisait rage dans le fort, les pertes étaient importantes des deux côtés, mais les pirates progressaient et Guyde, les menant, Ernesto sur les talons, courait vers les réserves de poudre. Il fallait atteindre et prendre cette casemate. Alors qu'ils courraient vers l'objectif, les pirates virent tout � coup avec horreur des couleuvrines et des espingoles que les espagnols mirent en position aux ouvertures de plusieurs casemates alentour. Guyde comprit qu'ils étaient attendus, un fort ne dispose pas en général d'autant de pièces mobiles réparties stratégiquement pour repousser une attaque. Les espagnols firent feu. Guyde ressenti une vive douleur � la cuisse et, tombant, il vit Ernesto. L'espagnol avait eu la tête réduite en purée sanguinolante par un paquet de mitraille, et deux de ses hommes tombaient autour de lui, le torse troué comme une passoire. Guyde se mit � couvert derrière un cadavre. Bientôt les pirates qui avaient reflués revinrent � la charge, menés par Marcelin, qui s'écroula � son tour, un bras et les jambes touchés par des éclats de grenade. Guyde fut attrapé par Sangredios qui le traîna jusqu'� une casemate qu'ils avaient converti � la va-vite en infirmerie. Il y retrouva La Reinette qui agonisait bruillament. Essayant d'adoucir la mort du môme, Guyde reçut quelque soins et essaya ensuite de retourner au combat. Mais Sangredios l'en dissuada, il appris � Guyde que les pirates étaient en déroute. Le temps était venu de fuir bravement. Se traînant tant bien que mal ils réussirent � atteindre la porte du fort, mais ce fut pour constater qu'une cinquantaine d'espagnols avaient pris les pirates qui battaient en retraite � revers. Ils étaient fait comme des rats. S'en suivis un procès où quelques uns qui tentèrent une évasion furent tués et un long séjour dans les prisons de Coro où certains mourrurent de mauvais traitement. La lettre de marque du Roi de france leur évita heureusement la corde, mais certains la regrettèrent. Pendant leur emprisonnement, Guyde eu le temps d'analyser les faits pour se rendre compte qu'ils avaient été trahis, et ce par la seule personne qui savait avant qu'il ne l'anonce � ses hommes � la dernière minute leur objectif réel: la batterie du fort.
Les pirates s'infiltraient tels des ombres dans le manoir et progressaient en direction du bureau du Gouverneur de Léogane. Arrivé � la porte, Guyde dégaina sa rapière et son pistolet et attendit que Sangredios ouvre la porte. Celle-ci ouverte, il surgit comme un diable � l'intérieur du bureau éclairé par quelques chandelles et retourna violement le fauteuil d'ou dépassait une perruque poudrée pour se retrouver face � un mannequin en paille. C'est alors que des portes donnant sur la mezzanine qui surplombait le bureau surgirent une vingtaine de mousquettaires qui braquèrent les téméraires pirates. Le gouverneur fit calmement son apparition et, surplombant les pirates de quatre mètres les toisa d'un air hautain. "Vous ne pensiez tout de même pas me surprendre aussi facilement. J'attends votre venue depuis votre libération. Vous fûtes long messieurs." "Chien, hurla Guyde, tu nous as envoyé vers une mort certaine, tu nous a trahis tel le cafard que tu es et tu ose nous prendre de haut! Descends donc tater de ma rapière si tu as ne serait-ce qu'une once d'honneur." "Allons messire, ceci est indigne de votre rang, vous tombâtes bien bas. Vous devriez savoir que la France et l'Espagne entretiennent d'assès bonnes relations et ont décidé de collaborer � l'éradication des nuisances telles que vous et vos misérables". "J'attends avec impatience le temps où ce seront les nuisibles de votre genre qui seront éradiqués" " Hahaha, vous rêvez mon cher, cela vous jouera des tours, en attendant lachez tous vos armes."
A ce moment précis un sifflement caractéristique se fit entendre, les mousquetaires se couchèrent en planquant au sol le gouverneur tandis que le toit du manoir explosait au niveau d'une autre aile de la demeure. Les pirates, sans hésiter, en entendant le sifflement, prirent la poudre d'escampette, et tandis qu'il s'enfuyait dans la nuit Guyde hurla "Nous nous reverrons chien, et prie pour que tes caniches en casaque brodée soient l� pour te sauver..."
Ralliant tous ses hommes, y compris les artilleurs laissés dans les colines surplombant le manoir (� qui Sangredios avait transmis l'ordre de tirer grâce � une lanterne sourde), ils abandonnèrent le canon, rallièrent l'Or Félin et mirent le cap vers Tortuga.
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