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Capitaine
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« Répondre #116 le: 04 Juillet 2007 à 16:41:43 » |
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Sur le Diable Rochellais, c'était le calme plat. Seul le souffle du vent dans les voiles, le grincement des cordages et le fracas des vagues sur la coque se faisait entendre. Théodosos le pilote maniait la barre comme si il y était soudé, les mains ne bougeant pas, seuls les bras et les poignets faisant le plus gros du travail. Ulysse le bosco arpentait le pont d'un air absent, tout en scrutant chaque recoin et chaque marin. Heinrich était aux fournaux avec Silverburgh le cuistot, préparant de la choucroute arrosée de wisky, une de ses inventions. DuGuesclin le charpentier et Désirée le grisou jouaient aux cartes sur un baril de pommes. Le reste de l'équipage était s'occupait comme il pouvait. Mais Agonie la Belle lui était autrement préoccupé, par une question d'ordre moral, ce qui ne lui avait jamais posé problème avant. Dans les geoles du Diable, le flibustier était seul en face � face avec un détenu, un indien des Amériques, aux cheveux noirs longs lui arrivant jusqu'aux épaules, la peau cuivrée, le visage peint en blanc et noir, des anneaux d'or pendant � ses oreilles rallongées, un pagne et un unique poncho rouge aux motifs aztèques sur ses épaules et lui recouvrant la totalité du corps. Ses yeux étaient très clairs, perdus dans le vague, malgrè que le français y vrillait les siens. Il était accroupi devant l'indien, lui même adossé paresseusement contre le mur de sa geole. Le silence était aussi épais que de la chaux, et dura jusqu'� ce qu'Agonie le brise en disant simplement: -Alors, ca te revient maintenant ? L'indien cligna des yeux comme si il revenait de loin, et d'une voix grave et profonde il répondit: -L'objet de tes tourments a fait coulé beaucoup de sang, et il serait préférable de le laisser dans sa cachette. Cependant, ta convoitise est forte, et ton désir si pressant qu'il me semble que les Dieux souhaitent te montrer son emplacement. Agonie sourit d'un air triomphant. Cela faisait bientot un an qu'il avait trouvé cet indigène. Avant l'expédition sur Black Stone, il l'avait confié � un ami tavernier � un comptoir portugais. Lorsqu'il avait gagné le galion � un jeu de hasard, Agonie l'avait récupérer, en l'enfermant. Ce n'était pas qu'il craignait un acte dangereux de sa part, mais c'était parce ses hommes ne supportaient pas la présence de l'indien � bord. Aucun ne s'était risqué � le brutaliser, ni même � lui parler, car il ne répondait qu'au capitaine. Le français l'avait donc logé dans les cales, en laissant la porte ouverte, pour que l'indien vienne le voir si il avait besoin de quoi que ce soit. Mais jusqu'ici il n'était monté le voir que pour deux raisons: la première pour lui demander si il pouvait se servir dans les réserves de fruits du cuistot, et la seconde pour lui confier que si il voulait trouver ce qu'il cherchait avec obstination depuis près de deux ans, il devait venir tout les jours le voir dans sa cellule, le laisser méditer pendant 10 minutes, et l'interroger. Ils jouaient � ce manège depuis bien longtemps, et Agonie n'en savait pas plus que lorsqu'il l'avait rencontré, � part que ce métèque connaissait l'emplacement tant révé. -Et après ? reprit-til avec une certaine insistance. -Et il te faudra accumuler beaucoup, beaucoup d'or si tu veux pouvoir l'atteindre. Tu devras emmener beaucoup d'hommes, beaucoup mourront dans d'atroces souffrances, comme beaucoup ont jadis souffert et péri pour le cacher. C'est le prix � payer pour contempler son éclat. -J'ai déj� envoyé de nombreux hommes � la mort pour l'avoir. J'ai déj� eu la chance de tenir le Coeur de l'Ocean dans mes ensanglantées, et je le referai volontier! -La parure de Davy Jones est très convoitée de par le monde, murmura l'indien. Nombreux sont les aventuriers, les brigands et les puissants qui sont déj� lancés � sa recherche. -Davy Jones, c'est une légende, répliqua Agonie la Belle, et moi je fais partie de ces trois classes l� . Eux ils recherchent un mythe, mais moi j'ai le meilleur indice pour trouver la réalité: toi! L'indien détourna lentement la tête, sans que son visage ne change d'expression, et fit: -J'ai vu la ligne de ta destinée en songe, Buveur-de fumée, j'ai vu � quelle moment ta route te menera au Coeur de l'Ocean. Puis il se tut. Agonie la Belle se releva, satisfait malgrè ses inombrables questions toujours sans réponse. Il quitta la cellule en disant d'un ton égal: -Merci de m'avoir éclairer un peu plus, vieux renard. A plus tard! Il remonta sur le pont, Heinrich était au poste de pilotage, silencieux, ses bras de colosses croisés, la barbe rousse hirsute volant au vent. -Rien de nouveau? interrogea le français -Nein, her capitaine, répondit le germain.
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