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« Répondre #17 le: 07 Février 2009 à 17:59:34 » |
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Deux hommes vêtus de redingotes chamarées et de linges blancs éclatants entrèrent. Des allures de bourgeois pour des têtes de gibiers de potences auraient pu penser n'importe quel quidam au temps où l'activité pirate était � son apogée. Malgré le fusil que le plus jeune en apparence portait en bandoullière � l'épaule, ces deux personnes ne semblaient pas faire partie de cette turbulente communauté qui constituait jadis la majeure partie de la clientèle de cette taverne. -Hé, mais je suis déjà venu ici! fit celui aux cheveux gris avec de la nostalgie dans la voix. Ca fait un sacré bout de temps, même... Des images défilèrent devant ces yeux: une jeune aventurière, quelques marins louches, des bouteilles d'alcool...Qu'étaient-ils devenus, ces forbans ? Morts, l'arme � la main, au cours d'un abordage ? Noyés ? Séchés, au bout d'une corde, après avoir tenté d'échapper � la Royal Navy et aux chasseurs de pirates, comme de nombreux autres très récemment ? Ou couraient-ils encore, vivant dans l'angoisse de la potence et la joie du défi ? Agonie la Belle chassa ses pensées amères et alla s'installer � une table avec son comparse. Il commanda � une jolie serveuse de quoi manger, l'autre de quoi boire. Ce dernier, Pulovsky, reluqua de façon très concentrée la serveuse, et retourna � son compagnon, qui poussa un long soupir. -Qu'est-ce qu'il ya qui va pas ? lui demanda t'il. -Tout va très bien, justement, répondit l'autre avec un rictus. Et j'ai comme l'impression qu'on dit au revoir aux ennuis une bonne fois pour toutes. -Comment ça ? fit l'autre. -Crois-en ma longue expériences des galères et de la cavale, cette fois on est � l'abri. Pour deux raisons. Agonie exhiba son index et son majeur. -La première (il plia l'index): on nous croit morts et enterrés. La deuxième (il plia le majeur): on a ça. Il sortit d'une poche interieure un rouleau de parchemin brun, aux bords cacinés. Pulovsky hocha lentement la tête. -C'est ce rouleau dont tu m'as parlé l'autre jour, en cellule. -Oui, dit Agonie la Belle. Ca pourrait être la source de mes récentes emmerdes, mais ça pourrait tout aussi bien être une opportunité. -Une opportunité ? Tu peux développer, s'il te plait ? fit Pulovsky qui recevait les plats et la bouteile de whisky. Il gratifia la jeune serveuse d'un long sourire et lui glissa une pièce dans la main en sussurant: Merci beauté. Agonie resta pantois devant ce spectacle. Pulovsky venait se désinteresser de l'affaire pour faire du gring � la fille avec une rapidité stupéfiante. Voyant que le polonais continuait � fixer d'un air narquois la demoiselle qui s'éloignait en faisant une grimace d'inquiétude, Agonie claqua des doigts devant ses yeux en faisant: -Woh? Who!!! On se reconcentre! Pulovsky recouvra ses esprits avec le plus grand sérieux. -Bah dis, si tu gaspilles aussi vite l'argent on va pas faire long feu! -Oah, dis pas de sottises, elle en vallait la peine, répliqua Pulovsky d'un air navré. -Bon, je reprend, fit Agonie: cette chose, je le sens, c'est la route toute tracée vers le pognon. -Mais tu as avoué ne pas comprendre ce qu'il y avait d'écrit! -C'est juste, mais je connais quelqu'un qui pourrait nous éclairer. -Mouais... -Quoi "mouais" ? fit le français interloqué. -Non rien, je réflechissais. -A quoi ? Comment emballer la serveuse ? lança Agonie en pouffant. -Non, ça c'est qu'une question de temps, je vois clair dans son jeu, elle est complétement folle de moi, riposta très sérieusement Pulovsky. Non, je réflechissais � une vieille histoire. Celle du moineau qu'est enfoui sous un tas de bouse bien chaude et qui piaille de contentement, jusqu'� ce qu'un chat, attiré par les piaillements, vienne le tirer de la merde et le bouffe. -Très amusant, rétorqua Agonie. Mais la différence entre ta petite parabole et notre situation, c'est qu'on sort du cimetière et qu'on est blancs comme neige pour repartir � la recherche d'un fortune probablement colossale. -Ou pour tomber sur des chasseurs de pirates ou un navire de la Navy... -T'inquiète pas pour ça, la plupart des grands loups de mer sont morts, et les chasseurs de pirates se chargent de ceux qui restent. Nous on est que deux innocents aventuriers, Agonie la Belle est tombé dans l'oubli, les seuls liens qui pourraient me rattacher � mon passé ne sont pas décemment visibles, et mes vieilles connaissances sont trop occupées � fuir la justice. Alors, rassuré ? Après, un temps, Pulovsky afficha un large sourire de rapace et remplit deux chopes d'un whisky ambré. Agonie leva le sien devant lui et dit: -Associés, Pulovskly ? Cinquante pour cent des gains chacun, pareil pour le sale boulot et la gloire ? Son partenaire leva sa chope et annonça: -Associés, Agonie. Plus les femmes pour moi comme bonus en raison du risque que je prend � m'associer avec un vieux forban comme toi. Quant � la gloire, je doute qu'on en trouve beaucoup. Le panthéon de la flibuste est déj� surpeuplé. Ils trinquèrent, et avant de boire, Agonie, murmura pour lui-même: -Allez, une dernière course, maintenant que les rêves de liberté et d'héroisme n'existent plus.
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