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Capitaine
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« le: 03 Septembre 2008 à 18:45:23 » |
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-Ce coup-ci, mon ami, tu m'as vraiment épaté. A croire que tu attirais les bonnes cartes... Assis l'arrière du canot, Agonie la Belle se rengorgea et proclama avec sa fausse modestie habituelle appuyée d'un geste désinvolte de la main par dessus l'épaule: -Ce n'était qu'un petit joueur, Rackman! En moins de 5 tours il avait déj� misé tout ce qu'il avait. Il a même dû me proposer ce vieux parchemin comme mise équivalente. -Justement, tu vas pouvoir m'éclairer sur ce bout de chiffon. Cayenne me certifiait que c'était une carte des îles vierges du vent, Trinita était persuadé que ca indiquait la cachette de la mythique réserve de whisky de Englund, son rêve de toujours. Le français alluma un de ses petits cigares fins et infects, et après avoir soufflé un petit rond de fumée bleue, il répondit: -Cayenne a bien deviné, c'est une cartes des petits atolls et îlots qui parsèment les caraïbes. En ce qui concerne la supposition de Trinita ce n'est pas un mythe, ni une légende, encore moins une rumeur puisque j'ai vu la "cave" personnelle de Englund, sauf que c'était � Jersey, dans sa petite propriété où il m'avait invité. je devais conclure une affaire très juteuse gr� ce � ses contacts dans le milieu des contrebandiers. Bref, j'ai conclu cette affaire et pour arroser ça Englund a mis en perce deux de ses barils de scotch, pendant que toi tu étais resté � Guernesey. On a fait la fiesta toute la nuit, et le lendemain j'ai eu la guele de bois la plus mémorable de toute ma pute de vie! -Je me souviens, fit Rackman en souriant. Cayenne et moi on t'a porté jusqu'au "Beaubriand", tu empestais le whisky. Par Saint-george, quand j'ai vu Englund nous accueillir avec sa barbe noire hirsute ,en culotte courte, avec une pinte de bière dans la main et un jambon dans l'autre, j'ai cru être revenu au IVème siècle du temps de l'invasion des vikings en Angleterre. Agonie s'esclaffa, puis après être resté un moment silencieux, sortit un rouleau de parchemin brun fermé par une corde noire. Il l'exhiba devant Rackman et déclara du ton le plus sérieux: -Pour en revenir � cette fameuse carte, je vais t'expliquer ce que c'est exactement. Je suppose que tu as déj� entendu parlé du franco-italien Ulysse Vaulnay ? -Of Course, répondit Rackman. Il sévissait vers les années 1660. Célèbre pour sa cruauté envers tous les riches voyageurs qui tombaient entre ses pattes, quelle que soit leur nationalité, et haissait les corsaires français. Mais il était aussi célèbre pour distribuer son or aux pauvres, partout où il passait. Jusqu'� se retrouver complétement fauché. -Un Dominique Cartouche des mers, en quelque sorte. Le plus incroyable c'est qu'il ai pu tenir si longtemps � ce rythme. -Et quel est le rapport avec cette carte ? -J'y viens, Rackman, répliqua Agonie. A la fin de sa carrière de pirate, en 1672, il regrettait de ne pas avoir mis de côté un petit pactole car ses frais de réparation et ses dettes étaient plus qu'élévés, et on ne paye pas ses créanciers avec la noblesse. Il dut donc prendre une décision qui irrita fortement ses joyeux compagnons flibustiers: il vendit ses services de gueux des mers au Roi Louis XIV. Il accepta, après avoir liquidé auparavant les hommes d'équipages qui lui restaient. Sa première mission de corsaire fut de transporter de Gênes � La Rochelle un présent au Roi Louis le Quatorizième de la part d'une des plus riches et puissantes familles de Venise, les Crecesti, alliés des Medicis. Comme tout français un tant soi peu instruit le sait, la grand-mère de Louis XIV, la femme d'Henry IV, s'appellait Catherine de Medicis. Louis XIV, obsédé par l'image du Soleil, avait décidé de financer la contruction d'une "maison dorée"(discret hommage � Néron, empereur romain lui aussi inspiré par l'astre solaire) avec une partie de l'immense fortune de la famille de sa grand-mère. Il avait donc fait venir de Venise un chargement de 500 000 ducats d'or. Me demande pas l'équivalent en louis d'or, j'ai pas calculé. Bref, les Crecesti avaient joint � ce retrait un cadeau destiné � les mettre dans les bonnes grâces du roi français, un cadeau personnalisé: un masque de carnaval en or pur ramené des amériques par les conquistadors, rien de moins. Rackman hocha la tête pour manifester son interet et pour encourager son compagnon à poursuivre. -Donc, Vaulnay devait ramener tout le bazar en France, mais ses anciens collègues, très mécontents de son changement de bord, le capturèrent et l'amenèrent, lui et sa précieuse cargaison sur un petite île vierge pour lui faire subir le châtiment qu'ils réservaient aux traitres et aux vendus. Tu remarqueras l'ironie de la justice flibustière! Donc, après que Ulysse Vaulnay eut été executé dans des circonstances peu claires, le gentilhomme qui l'avait capturé décida subitement de partir, et conserva la positions et une représentation de l'île sur sur carnet de bord. Il vécut moultes péripéties et finit par être écorché vif par des indiens. Un des hommes réussit � survivre et reporta les notes relatifs � l'île de Vaulnay sur un morceau de la peau même de son capitaine, la transformant ainsi en carte. Et c'est cette carte qui est venue entre les mains de Barracuda, qui croyait pouvoir me battre au poker, pour venir finir entre les miennes! Agonie La Belle tapota affectueusement la carte roulée. -Tu te rends compte Rackman, que si ce morceau de peau nous aidait � mettre la main sur ce magot, on serait riche comme Crésus, on aurait plus besoin de piller des galions ou faire de la contrebande! - Ouais, soupira Rackman réveusement, on aura plus qu'� s'acheter des terres dans un coin perdu, paradisiaque, et � se laisser vieillir. Enfin surtout toi! railla l'anglais. -Oui toi t'aurai plus qu'� te laisser mourir, � sécher au soleil comme un vieux crabe! para le français. -Mais bon, on y est pas encore, remarqua Rackman. Faut déj� qu'on arrive � cette fichue épave de galion, et qu'on prie pour que ce collier dont tu m'as parlé soit toujours dedans. -Avec ce petit bijou, on aura de quoi racheter le "Beaubriand", engager des "chiens", monter une expédition et � nous le butin de Vaulnay! Agonie La Belle se frotta les mains avec une expression de gourmandise enfantine.Rackman se tourna vers leur guide, accroupi � l'avant du canot et scrutant quelque chose � travers la pluie torentielle de la forêt amazonienne. -On en a encore pour longtemps, Ramòn ? L'espagnol lui répondit en criant pour couvrir le bruit de la mousson: -Non, monsieur Williams, on y est arrivé! Regardez! Il indiqua du doigt une ombre gigantesque � une vingtaine de mètres devant eux. Ce que Rackman avait pris pour un tronc particulièrement large était en fait la partie arrière d'un galion immergé � la surface des marécages. L'anglais retint son souffle, un sentiment de triomphe l'envahissant, et d'un flegme tout britannique ordonna � Ramòn de rapprocher le canot. Il retourna du côté d'Agonie, qui avait lui aussi vu le galion. -On y est arrivé Rackman! s'exclama t'il. Finie les plans farfelus et les arnaques! -Je sens que le futur me prouvera le contraire quoi qu'on trouve dans cette épave, mais en tout cas, je sens déj� l'or me couler entre les doigts! -Au fait Rackman, ajouta Agonie La Belle avec une pointe d'humour dans le ton, on avait bien dit 60/40 au départ, non ?
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